J’ai acheté récemment l’excellent livre “L’école qui classe” de Joanie Cayouette-Remblière (une récession du livre est disponible ici) dans lequel l’auteure a analysé les dossiers scolaires de 530 enfants entrés en 2001 et en 2002 au collège et près de 8000 bulletins trimestriels. Elle en a tiré des conclusions originales sur la source des inégalités. Pour elle, l’école creuse les écarts en raison même de la « forme scolaire », c’est-à-dire de tous les attendus implicites quant au comportement et au savoir-être des élèves, auxquels les enfants des classes populaires les plus fragiles ne savent pas répondre.
J’ai essayé de résumer sa réflexion de base sur la forme scolaire en une infographie qui reprend les 6 caractéristiques de la forme scolaire dominante actuelle :
1. Un lieu apart
Les élèves sont éduqués dans un lieu spécifique, souvent imposant de part sa structure architecturale.
Ils y passent leur journée en étant isolé du monde réel avec des interlocuteurs dédiés uniquement aux principes de fonctionnement de l’école, dont le silence et l’ordre sont des éléments importants.
Même de nos jours, l’école tente d’écarter l’intrusion de la réalité en défendant, par exemple, l’utilisation du téléphone.
2. L’apprentissage IKEA
Les séances d’apprentissage ont été conçues d’avance,
la progression (de toute la classe, de préférence) est imposée,
l’élève qui faillit retarde la progression des autres
il y a une seule clé (la répétition des gestes du maître !) pour construire les savoirs,
les élèves et le professeurs sont tenus de s’y conformer,
la liberté de s’écarter du chemin proposée n’est accordée qu’à ceux qui excellent.
3. Le respect des règles
L’école est structurée non seulement par son architecture, mais aussi par son fonctionnement interne.
Le découpage de la journée selon la grille horaire, le rythme des pauses et des changements de salles, le règlement d’ordre interne, le mode de fonctionnement en groupe-classe, les règles imposées par l’enseignants, sont des éléments organisateurs de la journée scolaire.
Mais ce sont aussi tant de contrats, les implicites, les autres explicites que l’élève devra s’approprier (parfois découvrir puisque non explicités) dans le cadre de sa journée à l’école.
4. L’absence de repos
L’école ne supporte pas l’oisiveté,
les plans d’étude sont conçus pour que l’élève soit en permanence sollicité, invité à travailler si ce n’est à l’école, il continuera à domicile.
Même dans les cours où l’enseignant a la part la plus active, la participation “active” de l’élève est notée afin de montrer la valeur que l’école accorde au travail.
Les élèves qui refusent de s’y conformer seront sanctionnés par le système de notation.
5. Le pouvoir anonyme
Les règles selon lesquelles fonctionne l’école ne sont cependant celles nés d’un contrat entre l’élève et l’enseignant ou l’école, mais elles semblent émaner d’une autorité “supérieure”, mais inabordable.
Ainsi l’enseignant ne définit pas si l’élève réussit ou non, mais des procédures, des calculs, des normes définies antérieurement décident de son avancement.
En conséquence, l’élève, s’il veut réussir, est contrait à se conformer puisqu’il n’y a pas d’interlocuteur direct auquel il peut se confronter
6. Le plaisir contraint
Une contradiction interne est permanente dans les messages de l’école, celle que l’accès au plaisir (de la réussite, de la maîtrise) passe forcément par la contrainte et par le travail discipliné.
L’école suggère que l’intérêt pour le savoir et le plaisir que peut procurer la maîtrise ne passent que par les exercices auxquels l’école contrait les élèves. Elle communique que ceux qui ont réussi sont tous passés par là, mais occulte tant d’autres facteurs de réussite, souvent inaccessibles selon l’origine des élèves.
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